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9 mars 2017 4 09 /03 /mars /2017 19:17
Départ des soldats de la classe 1918 (les garçons ayant 20 ans en 1918), gare de l'Est à Paris. Date précise inconnue.
Départ des soldats français de la classe 18

 

Dans la gare, les poilus semblaient se calmer. La locomotive fut mystérieusement raccrochée et les hommes montèrent dans le train, où il ne restait plus une vitre, à peine une banquette. Quand le train se mit en marche, une bordée de sifflets jaillit. Les hommes penchés aux portières criaient : "Nous reviendrons !"
L'un d'eux saisit au passage la main d'un officier.
A la grande surprise de l'officier, l'homme ne lâcha pas son étreinte.
- Eh bien ? Qu'est-ce que vous faites ? Lâchez-moi, voyons !
Le train roulait. L'officier se mit à courir.
- Lâchez-moi !
- Tu ne veux pas venir avec nous ?
- Vous êtes fou, voyons. Lâchez-moi !
- Viens avec nous, va.
L'homme sourit.
Partout aux portières, on se penchait. Certains rigolaient. D'autres poussaient des cris.
- Tiens bon !
- Lâche-le pas, surtout !
- Lâche-le pas, nom de Dieu !
- Ah, la vache ! I roule sous l'train.
- Saute sur le marchepied, bougre d'andouille !
- Penses-tu ! Faudrait qu'il vienne jusqu'au bout, alors.
Le train prenait de la vitesse. Sur le quai, un employé sifflait à tue-tête. Assourdi par les clameurs, le mécanicien n'entendait rien et le train roulait toujours. L'officier courait maintenant de toutes ses forces, les yeux hors de la tête, fou de terreur.
- Foutu ! Même s'il le lâche, i roule sous l'dur.
- Tue-le !
- Mais non ... Monte-le à bord.
L'homme enfin lâcha sa prise et une immense clameur retentit. Rebondissant contre le train, l'officier fit deux ou trois tours sur lui-même, roula par terre, sur le quai, resta immobile.
Les poilus se penchaient pour mieux voir. L'un d'eux cracha :
- Fumier !

 

Louis Guilloux, " le sang noir ", Gallimard 1935

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