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10 août 2018 5 10 /08 /août /2018 13:05

La vie là-bas n'est pas un roman ; c'est le récit sans fiction de mon dernier reportage, en Algérie, en 1995. Les responsables du Nouvel Observateur pour qui je travaillais, historiquement liés au FLN, ont refusé les informations que je ramenais sur la responsabilité du parti dans les disparitions et assassinats de démocrates, mis sur le compte des islamistes. J'avais été menacée de mort à plusieurs reprises sur place. Le magazine professait à longueur de colonnes liberté de conscience, d'expression, etc. En fait, ce que j'avais écrit n'avait aucune valeur à partir du moment où cela contrevenait à leur récit. Le mien, basé sur les faits, a été effacé par le leur, fictionnel. Ces conflits de récit sont essentiels, constants. Journalistes et écrivains ont une responsabilité pour imposer des récits s'opposant aux fictions des dominants. Lancer un manifeste " Pour une politique du récit " ! Alors j'ai mis fin à ma carrière de journaliste. Alors c'est dans une collection de fiction, la Blanche de Gallimard, que j'ai publié mon récit et mon récit est devenu un objet littéraire. C'est la littérature qui l'a accueilli. L'éditeur m'a convaincue d'y laisse émerger une part plus intime. J'ai travaillé autour de la peur. Journaliste, j'aurai tu la question...

C'était très dur en Algérie, on pouvait se faire égorger à n'importe quel barrage, la mort rôdait très violente, j'étais dépositaire de photos de têtes coupées, de récits intenables. L'Occident ne soutenait pas les démocrates. Je venais de mettre fin à mon métier. C'était comme des dérélictions à la chaîne, abandons. Je voulais qu'on sente dans la fibre même du texte ce mélange d'effroi et de courage hors du commun qui avait lieu hors regard, qu'on l'éprouve, que ce soit écrit, qu'on ne puisse pas s'en débarrasser comme ça. Que le lecteur en quelque sorte soit pris à la gorge, c'est le cas de le dire, comme je l'avais été. Sinon tout le monde s'en fichait de ce qui se passait en Algérie alors qu'on était en train de supprimer les vrais démocrates..."

 

Dominique Sigaud : extrait d'entretien pour le magazine "Le Matricule des Anges" Mai 2018

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  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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