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Derniers instants

" Les citoyens des autres pays ont sans nul doute remarqué que notre république est en péril. Nous sommes en permanence contrôlés par des escrocs de bas étage et par des va-t-en-guerre maléfiques qui, lassés des Arabes, stigmatisent aujourd'hui les Mexicains, mon groupe ethnique préféré. J'ai récemment tenté d'écrire un texte intitulé Le zen de l'arraisonnement, mais malgré ce titre plutôt chic je m'attends à avoir des problèmes pour le publier dans le New York Times.
Un jour où je pêchais la truite, j'ai failli me noyer dans une grande rivière aux eaux turbulentes. Mes waders se sont remplis et j'ai été emporté par le courant. Inutile de se débattre. J'ai donc renoncé à la vie et je me suis détendu en vue de mes derniers instants. Tel un fétu de paille consentant, la rivière m'a transporté jusqu’à un tourbillon où j'ai semé la panique parmi un groupe de colverts. Le visage à demi plongé dans la boue, j'ai observé quelques insectes intéressants en recrachant de l'eau. Bien que dénué de l'intervention du moindre fonctionnaire du gouvernement, cette expérience a été franchement pénible.

Jim Harrison : " Rage et appétit " Inédit publié dans le dernier n° de Lire daté juillet-août 2008

 

Bonne descente !!

" Après avoir cru sa dernière heure venue à bord d'un avion à hélices que le pilote avait engagé au coeur d'un violent orage au dessus du lac Michigan, Jim Harrison est rentré chez lui, tremblant, furibond. " J'ai été chercher deux bouteilles de vin à la cave, un migoua et un bandol Tourtine du Domaine Tempier de Lulu Peyraud. J'ai bu lentement le contenu de ces deux superbes bouteilles tout en méditant sur le caractère essentiellement criminel de l'aviation civile et sur le fait que même les oiseaux ont la jugeote de ne pas voler dans la tempête."

Lu dans le Dictionnaire amoureux du vin de Bernard Pivot ( Plon 2006 )

 

http://www.vcommevin.com/une_fiche.php?id_fiche=104

http://www.passiondulivre.com/livre-26812-dictionnaire-amoureux-du-vin.htm

http://www.cepdivin.org/actu/parutions/pivot01.html

http://jimharrison.free.fr/Bienvenue.htm

 

Le parpaing

" Je me suis réveillé l'autre nuit en proie à une douleur vraiment atroce dans le bas de l'abdomen. Je me suis tortillé et promené dans toute la maison, tel un poisson échoué. Une ambulance m'a emmené aux urgences de l'hôpital de Nogales. Au bout de cinq heures et de trois piqûres de morphine, j'ai accouché d'un parpaing. A l'aube le nouveau-né était posé à côté de moi sur le lit, enveloppé dans un lange. L'euphémisme décrivant cette expérience est expulsion d'un calcul rénal.
Bizarrement cet après-midi là, le monde a acquis une beauté transcendante tandis qu'au bord de la rivière je marchais dans mon canyon préféré.La splendeur de certains cailloux parfaitement banals, la beauté du mesquite et des chênes verts accrochés à la paroi de la falaise à côté de la tanière d'une vieille femelle de couguar m'ont arraché des larmes de joie. Quand la douleur est à son comble, l'âme hurlante émet de redoutables nuées d'effluves pestilentiels. Mais dès que le pire est passé, on se retrouve au moins temporairement débarrassé de son ego et de la substance absurde de sa personnalité. Plus rien ne vient interférer avec la luminosité de ce qui a toujours été , plus rien ne vous empêche de converser avec le couple de magnifiques passereaux hépatiques qui viennent si récemment d'écouter votre dernier poème en date. Comme le scanner a révélé que j'ai dix-huit autres calculs rénaux, je vais certainement revivre cette expérience. Si ça vous chante d'essayer, trouvez donc une traverse de chemin de fer bien rouillée pour vous l'enfoncer dans la vessie avec un marteau de forge. Aujourd'hui je regrette les milliers de yaourts et de bols de flocons d'avoine que j'ai ingérés au petit-déjeuner pour préserver ma santé, une manière vraiment répugnante d'entamer sa journée. Ce matin, j'ai savouré un bol roboratif de ragoût de tripes, appelé ménudo, qui présente toute la texture délicatement féminine de la tripe molle. La meilleure façon de le préparer consiste à inclure un pied de veau dans la casserole. A table, on ajoute du cilantro haché, de l'oignon cru et quelques chiletepines sauvages et moulus, cueillis dans les environs de Sonora, à la chaleur volcanique."

Jim Harrison. Extrait de " Rage et Appétit " , Inédit paru dans Lire n°367 ( juillet-août 2008 )^

 

Folie

" Alors que j'allais de réserve en réserve, je suis passé par Patagonia. Et je me suis dit que, si un jour je pouvais me payer un petit abri, ce serait là. Patagonia est un patelin paumé situé à 25 kilomètres de la frontière mexicaine. En plein sur l'itinéraire principal de migration des oiseaux. Et en plein sur celui des immigrants illégaux... Comme ça, on voit tout le monde ! Mais c'est un endroit fantastique. Très beau. Très sauvage aussi. L'autre matin, j'ai entendu un drôle de boucan. Je suis sorti sur la véranda : deux pumas étaient en train de dévorer un chevreuil dans mon jardin... Le chevreuil sautait en l'air et les pumas bondissaient sur le chevreuil. Ils en ont boulotté la moitié, puis les corbeaux sont arrivés. Faut que tout le monde mange ! Il y a quelques années, un jaguar a attaqué un cheval juste à côté de la casita et l'a mis en pièces. Faut quand même faire un peu attention, quand on se promène.

Mais le plus grand danger, c'est les hommes. Pas les animaux. Shakespeare nous l'a dit, mais nous ne voulons rien entendre : " Nous sommes aussi la nature. " C'est une vérité essentielle mais nous oublions très facilement que nous faisons "aussi" partie de la nature. Nous faisons n'importe quoi. Un de mes amis m'a raconté que récemment des types de New York ont débarqué dans le Montana et ont tronçonné un arbre vieux de 500 ans. Ils l'ont coupé juste pour connaître son âge. Résultat : maintenant, l'arbre n'existe plus. C'est pas de la folie, ça ? "

Jim Harrison : extrait d'entretien pour le magazine Lire, octobre 2015

 

 
 

" La littérature ne peut rien. A part faire évoluer les esprits. Mais c'est un processus lent, très lent. je pense à ce que la littérature a fait pour moi... Elle a changé mon esprit. J'avais 13 ans, ma prof de lettres m'a donné tout Stendhal à lire. C'était une vieille dame très pauvre, mais une grande maîtresse de classe. Elle était francophile. Quand j'étais en première, elle m'a fait découvrir Apollinaire, puis Rabelais, et j'ai dévoré tous ces écrivains avec mon frère, qui était un très grand lecteur. Faire mûrir l'esprit, c'est ce que peut la littérature. Ça rend les imbécilités plus visibles, je pense. La littérature peut présenter les choses de façon plus claire, parce qu'elle n'a pas de préjugés politiques. Je croirais plus facilement un romancier qu'un sénateur. J'ai une idée que je tente de faire admettre : chaque représentant au Congrès devrait passer un examen en littérature et en histoire mondiale. Ça montrerait à quel point ils sont idiots. Ils ne savent rien, pour la plupart d'entre eux. regarde Donald Trump aujourd'hui ou Sarah Palin hier, tu sais la nana sexy qu'ils avaient dégotée il y a quelques années au Tea Party ! Bon vous avez la même chose en France, hein, avec Marine Le Pen qui fait 20% des voix ou plus... En moins sexy. Leurs discours est le même : que ce soit les Mexicains ou les Arabes, foutons les dehors à coup de fusil ! Sais-tu qu'il y a eu un sondage cette année* :ils ont interrogé les gens des droites religieuses au sujet de la torture ; eh bien tous étaient unanimement d'accord pour autoriser le supplice de la baignoire ! Pourquoi les chrétiens de ce pays approuvent-ils la torture ? C'est dingue, non ?J'ai failli me noyer à plusieurs reprises à la pêche, et je sais d'expérience qu'il n'y a rien de plus déplaisant que cette sensation de se noyer. La baignoire... N'avons-nous rien appris de l'histoire ? De la Résistance et de l'Occupation en France ? "

Jim Harrison : extrait d'un entretien pour le magazine Lire, octobre 2015

* aux États-Unis

 

 

 

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publié par jmlire9258

  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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