Norman Mailer :
" Clinton avait été jusqu'ici - et c'est un euphémisme - l'animal domestique des Républicains. Ils ne le reconnaîtraient jamais, mais il avait constitué une aubaine pour eux.
Son programme de santé avait sombré sous le poids de sa douloureuse complexité parce qu'il avait tenté de satisfaire tout le monde. Bien sûr, il n'avait jamais serré les dents assez longtemps
pour dire : " Il faut payer. Nous coucher le soir en sachant que les pauvres, les malades et les vieillards ont aussi un toit. Si nous sommes une nation judéo- chrétienne, mettons en pratique nos
bonnes paroles. " Non, il avait maintenu son programme de santé compliqué et il avait perdu. Certes, il avait perdu avant de commencer. Pour garantir sa défaite future, il avait essayé
d'abord de faire accepter les homosexuels dans l'armée. une entreprise aussi naive et ardue que de chercher à sodomiser le Pentagone. L'entrée est étroite ! Les Républicains avaient donc pu
se réjouir de ce qu'il avait fait pour eux. Il avait réussi à gâcher suffisamment ses deux premières années pour faire élire en 1994 un Congrès républicain hyper-patriote. Ensuite il n'avait
jamais essayé de les combattre. Il était plus facile de filtrer ce qui restait de l'esprit embroussaillé du parti démocrate en s'insinuant au coeur même du parti républicain. Clinton mit alors
fin à l'aide sociale, comme nous le savons, ce qui était exactement le but des Républicains. Cependant il n'a pas sonné le glas des privilèges corporatistes. Il n'a pas envisagé que les riches
n'avaient pas plus droit que les pauvres à des avantages. Au lieu de cela, il a prononcé de belles paroles. Il a annoncé de magnifiques programmes sociaux. Des petits programmes sociaux avec des
budgets réduits. Par ses actes, il a parachevé le scénario du reaganisme. Il a démoli le reste des filets de sécurité pour les pauvres, afin de porter au maximum le profit des riches. Sous
Clinton, les riches sont devenus infiniment plus riches. Sur son saxophone spirituel il n'a cessé de jouer de tendres et mélodieuses ballades pour les Noirs et pour les femmes. Certains
obtinrent même des postes privilégiés. Une politique purement démagogique. En tant que Démocrate, censé maintenir un certain cap social, il s'est conduit comme un imbécile, un ballot...
Ce qui est horrible, c'est que s'il avait eu le courage, au cours de ces années, de mener de vrais combats pour des êtres moins puissants que lui, il aurait pu devenir un grand Président.
Un vrai désastre s'abat donc sur lui. Imaginons un artiste putatif qui ait les ressources créatrices d'un Shakespeare, d'un Tolstoi, d'un Picasso ou d'un Mozart, mais échoue néanmoins à atteindre
la grandeur, non par manque de talent, mais par faiblesse de caractère. Méditons seulement sur son angoisse. Posséder, comme Clinton, des dons politiques d'origine divine, et ne pas les exploiter
- on compte peut-être dans ce siècle cinquante ou cent de ces artistes, toutes croyances confondues ( la plupart sont sans doute inconnus ou mal perçus ) et il est possible que Clinton soit du
nombre...
Sa honte, s'il en éprouve, vient de ce qu'il n'a jamais été capable de tenir tête à la grande richesse. Il est impuissant face à des financiers d'envergure. Face à des gars pareils, le
vent tombe et le fier drapeau du vaisseau amiral commence à baisser. Monica Lewinsky est à Bill Clinton ce que Clinton est à la haute finance : une gosse qui essaie de gagner ses genouillères
présidentielles. "
Norman Mailer : L'Amérique 1998
http://www.republique-des-lettres.fr/279-norman-mailer.php
http://livres.lexpress.fr/critique.asp?idC=1614&idR=12&idTC=3&idG=8
John Irving :
" Toronto, le 9 mai 1987, Gary Hart, l'ancien sénateur du Colorado, abandonne sa campagne présidentielle ; des reporters de Washington l'ont surpris en tête à tête
amoureux avec un mannequin de Miami ; bien que le mannequin et le candidat aient proclamé que rien d'immoral ne s'était produit -- et que Mrs Hart ait annoncé qu'elle soutenait son mari, ou
peut-être le comprenait --, Mr Hart a décidé qu'une telle intrusion dans sa vie privée provoquait, pour lui et sa famille, une situation intolérable...
Que savent les
Américains de la moralité ? Ils n'admettent pas que leurs présidents aient des pénis, mais se moquent que leurs présidents se débrouillent pour soutenir en secret les rebelles du Nicaragua,
malgré l'opposition du Congrès ; ils refusent que les présidents trompent leurs épouses, mais s'en fichent si leurs présidents trompent le Congrès, mentent au peuple et violent la Constitution du
peuple ! ..."
Extrait de : "Une prière pour Owen " 1989
http://www.ratsdebiblio.net/irvingjohnunepriere.html