" Ce que je voudrais c'est comprendre.
On ne comprend jamais rien, ou très peu de choses. Les hommes vivent un peu comme des aveugles, et généralement ça leur suffit. Je dirais même que c'est ce qu'ils recherchent,
éviter les maux de tête et les vertiges, se remplir l'estomac, dormir, venir entre les cuisses de leur femme quand leur sang devient trop chaud, faire la guerre parce qu'on leur dit
de la faire, et puis mourir sans trop savoir ce qui les attend après, mais en éspérant tout de même que quelque chose les attend. Moi, depuis tout petit, j'aime les questions, et
les chemins qui mènent à leurs réponses. Parfois d'ailleurs, je finis par ne connaître que le chemin, mais ce n'est pas si grave : j'ai déja avancé. "
Philippe Claudel : extrait de Le rapport de Brodeck . Stock 2007 ( Prix Goncourt des lycéens 2007 )
" Le temps prend sa revanche, mais les revanches sentent souvent l'aigre : ne ferions nous pas mieux, les uns les autres de renoncer à comprendre, d'accepter le fait qu'aucun être
humain n'en comprendra jamais un autre, la femme son mari, l'amant sa maîtresse, les parents leurs enfants ? Peut-être est-ce pour cela que les hommes ont inventé Dieu... un être
capable de comprendre. Si j'avais le désir de comprendre ou d'être compris, peut-être arriverais-je à me monter le coup jusqu'à croire en lui, mais je suis reporter ; Dieu n'existe
que pour les éditorialistes. "
Graham Green : extrait de " Un Américain bien tranquille " 1955
Portrait de G.Green par Margaret Woods
" Ce vertige qui nous saisit
quand nous parvenons à réaliser que des milliards d'êtres humains nous ont précédés, ont existé charnellement, ont eu un présent, ont vécu, aimé, joui, pour finalement disparaître
sans rien laisser, sans nous léguer aucune réponse... Quelle somme de souffrances depuis que l'homme existe, quel triomphe de destruction et de mort, quel absurde et inadmissible
gâchis.
Et nous aussi , nous disparaîtrons, nous nous immergerons dans ce passé que nos descendants considèreront comme nous le considérons, continuant de ne rien comprendre.
Charles Juliet : Journal 1 - 1957 - 1964