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12 mars 2024 2 12 /03 /mars /2024 08:06

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10 mars 2024 7 10 /03 /mars /2024 08:16

 

Je crois qu'elle regarde

 

Qu’elle ose regarder mon nez, cette Camarde !

(Il lève son épée.)

 

Que dites-vous ?… C’est inutile ?… Je le sais !

Mais on ne se bat pas dans l’espoir du succès !

Non ! non, c’est bien plus beau lorsque c’est inutile !

— Qu’est-ce que c’est que tous ceux-là ! — Vous êtes mille ?

Ah ! je vous reconnais, tous mes vieux ennemis !

Le Mensonge ?

 

(Il frappe de son épée le vide.)

 

Tiens, tiens ! — Ha ! ha ! les Compromis,

Les Préjugés, les Lâchetés !…

 

(Il frappe.)

Que je pactise ?

Jamais, jamais ! — Ah ! te voilà, toi, la Sottise !

— Je sais bien qu’à la fin vous me mettrez à bas ;

N’importe : je me bats ! je me bats ! je me bats !

 

(Il fait des moulinets immenses et s’arrête haletant.)

 

Oui, vous m’arrachez tout, le laurier et la rose !

Arrachez ! Il y a malgré vous quelque chose

Que j’emporte, et ce soir, quand j’entrerai chez Dieu,

Mon salut balaiera largement le seuil bleu,

Quelque chose que sans un pli, sans une tache,

J’emporte malgré vous,

 

(Il s’élance l’épée haute.)

 

Et c’est…

 

(L’épée s’échappe de ses mains, il chancelle, tombe dans les bras de Le Bret et de Ragueneau.)

 

 

ROXANE, se penchant sur lui et lui baisant le front

 

C’est ?…

 

CYRANO, rouvre les yeux, la reconnaît et dit en souriant

 

Mon panache.

 

 

Edmond Rostand, extrait de "Cyrano de Bergerac", 1897

 

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak : 

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8 mars 2024 5 08 /03 /mars /2024 07:50

 

" Mes filles, mes filles, Anastasie, Delphine ! je veux les voir. Envoyez-les chercher par la gendarmerie, de force ! La justice est pour moi, la nature, le code civil. Je proteste. La patrie périra si les pères sont foulés aux pieds. Cela est clair. La société, le monde roulent sur la paternité, tout croule si les enfants n'aiment pas leurs pères. Oh ! les voir, les entendre, n'importe ce qu'elles me diront, pourvu que j'entende leurs voix, ça calmera mes douleurs, Delphine surtout. Mais dites-leur, quand elles seront là, de ne pas me regarder froidement comme elles font. Ah ! mon bon ami, monsieur Eugène, vous ne savez pas ce que c’est que de trouver l’or du regard changé tout à coup en plomb gris. Depuis le jour où leurs yeux n’ont plus rayonné sur moi, j’ai toujours été en hiver..."

 

Honoré de Balzac, extrait de "Le père Goriot", 1835.

 

Du même auteur, Dans Le Lecturamak : 

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7 mars 2024 4 07 /03 /mars /2024 07:52

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6 mars 2024 3 06 /03 /mars /2024 07:45

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4 mars 2024 1 04 /03 /mars /2024 08:09

 

Christophe Claro au Salon du livre de Paris en mars 2010
Claro, 2010.

" Le temps des adieux est un temps froid et sec : la santé y gagne ce que l'affection y perd. Nikolaï Mikloukho-Maklaï, qui a tout juste passé la vingtaine, embarque donc aux côtés du zoologue Haeckel.

   Ce dernier a perdu sa femme et, paraît-il, le goût de vivre, à croire qu'un secret nichait et palpitait dans l'autre et qu' en rentrant sous terre cette autre a préféré emporter avec elle tout ce qui aujourd'hui pourrait aider le veuf à ne pas vouloir la rejoindre... 

Nikolaï, lui, reste sourd aux stratégies du deuil, dont tant selon lui se repaissent, au point qu'il finissent par trouver un début de saveur dans son complexe entretien, tant leur fait horreur le rire de l'oubli. Quitter l'autre lui est facile. Nécessaire. Il ne voit aucun mystère dans la perte, seulement un raccourci permettant l'esprit de devancer la chair. Aux enterrements, c'est tout juste s'il ne  félicite pas les vivants de leur endurance...

 

Le soir, quand Nikolaï s'enferme dans sa cabine où le roulis dicte sa loi et casse les assiettes, ce n'est pas à Haeckel qu'il pense, ni à la défunte madame Haeckel, ni même à lui. Il pense aux pensées qui l'habitent, et qui se moquent des cierges et des catafalques. Il pense aux éponges, mortes-et-non-mortes, qui essaiment au fond des mers l'odieuse sagesse du temps. Au plancton, dont la danse iridescente recèle sans doute des motifs édifiants. Il pense à tout ce qui se mesure, se pèse, se transforme, se dissout. Puis il bourre sa pipe et étudie les volutes de fumée que le plafond aplatit en un champignon indécis...

 

    Les proches ne l'intéressent pas, ; les proches ne le retiennent en aucun point de la surface de son être, qui pour lors ne connaît que tension, étant réduite à une passion : celles des éponges. Il sent qu'en elles, dans ce semblant de cœur qui bat en chacun de leurs alvéole, bruit une énigme dont même Darwin n'a pas soupçonné la portée. (En français, alvéole peut être masculin ou féminin, ce qui réjouit, même si l'on sait hélas que ce sont les hommes qui régentent ce genre de choses.)...

 

Claro : extrait de "Hors du charnier natal", Éditions Inculte, 2016. 

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak : 

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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 08:00

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28 février 2024 3 28 /02 /février /2024 07:27

 

Paul Auster, septembre 2008
Paul Auster, 2008

Les gouvernements vont et viennent très vite, ici, et il est souvent difficile d'être au fait des modifications. C'était la première fois que j'entendais parler de ce changement de pouvoir, et quand j'ai demandé à quelqu'un quel était le but du Mur marin, il m'a répondu qu'il devait prévenir le risque de guerre. La menace d'une invasion étrangère se faisait plus forte, a-t-il dit, et notre devoir de citoyen était de protéger notre patrie. Grâce aux efforts du grand Untel - quel qu'ait pu être le nom du nouveau chef - les matériaux des bâtiments effondrés étaient à présent récupérés pour servir à la défense, et le projet fournirait du travail à des milliers de gens. Qu'est-ce qu'ils donnent comme paie ? ai-je demandé. Pas d'argent, a-t-il dit, mais un toit et un repas chaud par jour. Cela m'intéressait-il de m'enrôler ? Non merci, ai-je répondu, j'ai d'autres choses à faire. Eh bien, a-t-il dit, j'aurais bien le temps de changer d'avis. Le gouvernement estimait qu'il faudrait au moins cinquante ans pour finir le mur. Grand bien leur fasse, ai-je dit, mais, en attendant, comment est-ce qu'on sort de là ? Oh non, a-t-il dit en secouant la tête, c'est impossible. Les bateaux n'ont plus le droit d'entrer, désormais - et si rien n'entre, rien ne sort.

    Et avec un avion ? ai-je dit. C'est quoi, un avion ? m'a-t-il demandé en souriant d'un air intrigué, comme si je venais de faire une plaisanterie qu'il ne comprenait pas. Un avion, ai-je dit. Une machine qui vole dans les airs et transporte les gens d'un endroit à un autre. C'est ridicule, a-t-il rétorqué, me jetant un regard soupçonneux. Une telle chose n'existe pas. C'est impossible. Ne vous en souvenez-vous donc pas ? ai-je demandé. Je ne sais pas de quoi vous parlez, a-t-il répondu. Il pourrait vous en cuire de répandre des bobards comme ça. Le gouvernement n'aime pas qu'on invente des histoires. Ça sape le moral.

 

  Tu vois à quoi on se heurte ici. Ce n'est pas seulement que les choses disparaissent - mais lorsqu'elles sont parties, le souvenir qu'on en avait s'évanouit aussi. Des zones obscures se forment dans ton cerveau, et à moins que tu ne fasses un effort constant pour te rappeler les choses qui ont disparu, elles se perdent pour toi à jamais. Je ne suis pas plus à l'abri que quiconque de cette maladie, et il n'est pas douteux que de nombreux vides de ce genre se trouvent en moi. Une chose s'évanouit, et si on attend trop longtemps avant d'y repenser , aucun effort, si grand soit-il, ne réussira à l'arracher de l'oubli. Après tout, le souvenir n'est pas un acte volontaire. C'est quelque chose qui a lieu malgré soi, et, lorsqu'il y a trop de choses qui changent en permanence, il est inévitable que le cerveau flanche, il est inévitable que certaines choses passent au travers..."

 

Paul Auster : extrait de "Le voyage d'Anna Blume", 1987, Éditions Actes Sud, 1989, pour la traduction française.

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak :

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26 février 2024 1 26 /02 /février /2024 08:17

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24 février 2024 6 24 /02 /février /2024 08:45

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  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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