Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 octobre 2023 1 23 /10 /octobre /2023 22:34

 

Colette par Henri Manuel.

                                                                 La Treille muscate   

                                                            Route des Cannebiers

                                                                    Saint-Tropez, Var

 

 

                                                                        [ Août 1935 ?]

                                                                                                                                                  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mardi soir

 

    Un très beau - un jour pluvieux - un jour très beau etc. etc. Voilà chère Missy, le bulletin météorologique. mais nous avons commencé par geler littéralement. Aujourd'hui c'est le bon jour, une tiédeur merveilleuse, soleil et fleurs. Saint-Tropez et les autres petits ports sont admirablement vides, le pays retrouve tous ses charmes. Pas d'autres Parisienne que Mme de Comminges qui s'est établie ici "pour toujours" - c'est-à dire jusqu'à ce qu'elle en ait assez. Elle a un petit logement au port. Le tout semble lui réussir, elle a bien meilleure mine.

    Souci est heureuse, la chatte galope et grimpe comme un chaton de six mois. Tu serais épouvantée de notre consommation d'oignons nouveaux ! Nous y joignons celle de la fève crue, des radis et des petits artichauts violets. Quand à la mer, personne n'y songe, sauf pour l'admirer. Chère Missy, ceci est une bien petite lettre, mais notre vie est -  sauf le travail - sans événements. Ce n'est pas que nous nous en plaignons, au contraire.

    Avant-hier matin, comme je regardais le beau paysage en appuyant mon menton sur le parapet, c'est au bout d'une très longue minute que j'ai découvert, en baissant les yeux, tout près de mon menton, un magnifique lézard vert, qui n'osait pas bouger. Je te jure qu'il est parti sur la pointe des pieds, très doucement, sans courir, et persuadé que je ne l'avais pas vu...

 

Colette, extrait de "Lettres à Missy", établi et présenté par Samia Bordji et Frédéric Maget, Éditions Flammarion, 2009.

 

 

À propos de Colette, par Jean Cocteau : 

 

   

Partager cet article

Repost0
4 mars 2023 6 04 /03 /mars /2023 08:07

 

Sand à Flaubert.

 

Nohant, 27 juin 1870

 

Encore un chagrin pour toi, mon pauvre vieux. Moi, j'en ai aussi un gros, je pleure Barbès, une de mes religions, un de ces êtres, qui réconcilient avec l'humanité. Toi, tu regrettes ce pauvre Jules et tu plains le malheureux Edmond... Quelle époque ! Ils meurent tous, tout meurt et la terre meurt aussi, mangée par le soleil et le vent. Je ne sais où je prends le courage de vivre encore au milieu de ces ruines. Aimons nous jusqu'au bout...

 

Flaubert à Sand.

 

2 juillet, samedi soir

...

La mort de Barbès m'a bien affligé, à cause de vous ! L'un et l'autre nous avons nos deuils. Quel défilé de morts depuis un an ! J'en suis abruti, comme si on m'avait donné des coups de bâton sur la tête. Ce qui me désole (car nous rapportons tout à nous) c'est l'effroyable solitude où je vis ! 

 Je n'ai plu personne, je dis personne avec qui causer !" Qui s'occupe aujourd'hui de faconde et de style ?*"

   À part vous et Tourgueneff je ne connais pas un mortel avec qui m'épancher sur les choses qui me tiennent le plus à cœur, et vous habitez loin de moi, tous les deux !...

   Le pauvre Edmond de Goncourt est en Champagne chez des parents. Il m'a promis de venir ici à la fin de ce mois. Je ne crois pas que l'espoir de revoir son frère dans un monde meilleur le console de l'avoir perdu dans celui-ci !

   On se paye de mots dans cette question de l'immortalité. Car la question est de savoir, si le moi persiste. L'affirmative me paraît une outrecuidance de notre orgueil. Une protestation de notre faiblesse contre l'ordre éternel. La mort n'a peut-être pas plus de secrets à nous révéler que la vie ?...

* Citation de Louis Bouilhet.

 

George Sand - Gustave Flaubert, extrait de "Tu aimes trop la littérature, elle te tuera. Correspondance" , Éditions Le Passeur, 2018.

 

 

Des mêmes auteurs, dans Le Lecturamak : 

Partager cet article

Repost0
17 janvier 2023 2 17 /01 /janvier /2023 08:10
Rainer Maria Rilke peint par Leonid Pasternak (1862-1945).
Rainer Maria Rilke

 

Et, pour en revenir à la solitude, il apparaît toujours plus clairement que ce n'est aucunement une chose à prendre ou à laisser. Nous sommes solitaires. on peut s'illusionner à ce sujet et faire comme s'il n'en était rien, c'est tout. Mais il est bien préférable de comprendre que nous le sommes et même de tout faire pour partir de là. Il pourra alors évidemment se faire que nous soyons pris de vertige ; car tous les points sur lesquels notre regard se posait d'ordinaire nous sont retirés ; il n'y a plus rien de proche et le lointain recule jusqu'à l'infini. Quiconque, sortant de sa chambre, serait transporté sans préparation et sans transition au sommet d'une haute montagne devrait éprouver un sentiment semblable : une insécurité sans pareille, le sentiment d'être entièrement livré à des forces anonymes, le mènerait presque au bord de l'anéantissement. Il penserait tomber dans l'espace ou y être projeté comme avec une fronde ou éclater en mille morceaux : quel gigantesque mensonge son cerveau ne devrait-il pas inventer pour rejoindre l'état où se trouveraient ses sens et y apporter quelque clarté.

 

C'est ainsi que se transforment, pour celui qui devient solitaire, toutes les distances, toutes les dimensions ; parmi ces changements il en est de soudains et, comme pour cet homme au sommet de la montagne, naissent alors des imaginations insolites, des sensations étranges, qui semblent dépasser le supportable. Mais il est nécessaire de vivre cela également. Nous devons assumer notre existence aussi loin qu'il est possible ; il faut que tout y soit possible, même ce qui paraît inouï. C'est au fond le seul courage qu'on attend de nous : le courage d'être ouvert à ce qui peut nous arriver de plus bizarre, de plus étonnant, de moins explicable. C'est la lâcheté des hommes en ce domaine qui a fait subir à la vie les plus grands dommages ; les expériences vécues qu'on dénomme " apparitions ", ce qu'on appelle "le monde des esprits", la mort , toutes ces choses qui nous sont si étroitement apparentées, ont été à ce point écartées de la vie par le refus que nous leur opposons journellement que les sens qui nous permettraient de les saisir se sont atrophiés. Pour ne rien dire de Dieu. Mais la peur de l'inexplicable n'a pas seulement appauvri l'existence de l'individu, elle a aussi limité les relations entre les êtres, en les retirant, en quelque sorte, du fleuve des possibilités infinies pour les déposer sur un coin du rivage en jachère, ou rien ne se passe.

 

Car ce n'est pas seulement l'indolence qui rend les rapports humains si indiciblement monotones et qui les fait se répéter sans changement d'un cas à un autre, c'est la peur de quelque expérience nouvelle et imprévisible, qu'on ne se croit pas capable d'affronter. Mais seul celui qui est préparé à tout ce qui n'exclut rien, pas même les événements les plus énigmatiques, vivra la relation à autrui comme quelque chose de vivant et sera capable d'épuiser toutes les ressources de sa propre existence. Car, en comparant cette expérience de l'individu à un espace plus ou moins grand, il apparaît que la plupart ne connaissent jamais qu'un recoin du leur, une place près de la fenêtre, une étroite bande pour aller et venir. Ils acquièrent ainsi une certaine sécurité. Et, pourtant , la dangereuse insécurité  qui poussent les prisonniers dans les récits d'Edgar Poe à reconnaître à tâtons les contours de leur épouvantable prison et à ne pas ignorer les terreurs  de leur captivité, est tellement plus humaine. Mais nous ne sommes pas prisonniers. On n'a tendu autour de nous ni trappe ni nœud coulant et il n'existe rien qui doive provoquer en nous angoisse ou tourment. On nous a placé dans la vie comme dans l'élément auquel nous correspondons le mieux et une adaptation millénaire nous a en outre rendus si semblables à cette vie que, pourvu que nous restions immobiles, nous sommes, grâce à un heureux mimétisme, à peine discernables  de tout ce qui nous entoure.

 

Nous n'avons aucune raison de nous méfier de notre monde, car il ne nous est pas hostile. S'il recèle des frayeurs, c'est que ce sont nos propres frayeurs ; s'il a des abîmes, ces abîmes nous appartiennent et, s'il y a des périls, nous devons essayer de les aimer. Et pourvu que nous organisions notre vie selon ce principe qui nous conseille de nous en tenir toujours au plus difficile, ce qui nous apparaît encore aujourd'hui comme le plus étranger deviendra notre élément le plus intime et le plus fidèle. Comment pourrions-nous oublier ces vieux mythes qu'on trouve à l'origine  de tous les peuples, les mythes des dragons qui, à l'ultime instant, se changent en princesses ? Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui  attendent seulement de nous trouver un jour vaillant et beaux. Peut-être tous ce êtres qui nous épouvantent ne sont-ils au fond que des êtres dans le désarroi, qui attendent que nous leur portions secours..."

 

Rainer Maria Rilke : extrait de "Lettres à un jeune poète", 1903-1908. Éditions Gallimard La Pléïade 1993, Traduction de Claude David.

 

 

Partager cet article

Repost0
12 janvier 2023 4 12 /01 /janvier /2023 08:39
Bataille de Champigny - Épisode de la guerre de 1870
Bataille de Champigny - Épisode de la guerre de 1870

 

Flaubert à Sand. (Juillet 1870)

 

Croisset, vendredi soir

 

   Que devenez-vous, chère maître, vous et les vôtres ? Moi, je suis écœuré, navré, par la bêtise de mes compatriotes. L'irrémédiable barbarie de l'Humanité m'emplit d'une tristesse noire.* Cet enthousiasme, qui n'a pour mobile aucune idée, me donne envie de crever pour ne plus le voir.

   Le bon Français veut se battre 1° parce qu'il est jaloux de la Prusse, 2° parce que l'état naturel de l'homme est la sauvagerie, 3°parce que la guerre contient en soi un élément mystique, qui transporte les foules.

   En sommes-nous revenus aux guerres de races ? j'en ai peur. L'effroyable boucherie qui se prépare n'a même pas un prétexte. C'est l'envie de se battre, pour se battre.

   Je pleure les ponts coupés, les tunnels défoncés, tout ce travail humain perdu, enfin une négation si radicale.

   Le congrès de la Paix a tort, pour le moment. La civilisation me paraît loin...

   Le bourgeois d'ici ne tient plus. Il trouve que la Prusse était trop insolente et veut "se venger"... Ah ! que ne puis-je vivre chez les Bédouins !...

 

*La guerre avec la Prusse a été déclarée le 19 juillet 1870.

 

Sand à Flaubert.

 

Nohant, 26 juillet.

 

   Je trouve cette guerre infâme, cette Marseillaise autorisée un sacrilège. Les hommes sont des bêtes féroces et vaniteuses... Nous avons ici des 40 et 45 degrés de chaleur à l'ombre. On incendie les forêts : autre stupidité barbare Les loups viennent se promener dans notre cour où nous les chassons la nuit, Maurice avec un revolver, moi avec une lanterne. Les arbres quittent leurs feuilles et peut-être la vie. L'eau à boire va nous manquer. Les récoltes sont à peu près nulles, mais nous avons la guerre, quelle chance . L'agriculture périt, la famine menace, la misère couve en attendant qu'elle se change en Jacquerie. Mais nous battrons les Prussiens. Malbrough s'en va-t-en guerre !

   Tu disais avec raison que pour travailler, il fallait une certaine allégresse. Où la trouver par ce temp maudit ? ...

 

Flaubert à Sand

 

   Comment, chère maître ? vous aussi ! démoralisée, triste ? que vont devenir les faibles, alors ?

   Moi, j'ai le cœur serré, d'une façon qui m'étonne. Et je roule dans une mélancolie sans fond...Est-ce la suite de mes chagrins réitérés ? c'est possible. Mais la guerre y est pour beaucoup. Il me semble que nous entrons dans le noir ?

   Voilà donc l'homme naturel ! Faites des théories maintenant. Vantez le Progrès, les lumières et le bon sens des Masses, et la douceur du peuple français. Je vous assure qu'ici, on se ferait assommer si on s'avisait de prêcher la Paix. 

   Quoi qu'il advienne, nous sommes reculés pour longtemps...

 

Sand à Flaubert

 

  Nohant, dimanche soir

 

   Es-tu à Paris, au milieu de cette tourmente ? Quelle leçon reçoivent les  peuples qui veulent des maître absolus ! France et Prusse s'égorgeant pour des questions qu'elles ne comprennent pas ! Nous voilà dans les grands désastres, et que de larmes au bout de tout cela, quand même nous serions vainqueurs ! On ne voit que de pauvres paysans pleurant leurs enfants qui partent. La mobile nous emmène ceux qui nous restaient, et comme on les traite pour commencer ! Quel désordre, quel désarroi dans cette administration militaire qui absorbait tout et devait tout avaler ! Cette horrible expérience va-t-elle enfin prouver au monde que la guerre doit être supprimée ou que la civilisation doit périr ?

   Nous en sommes ici, ce soir, à savoir que nous sommes battus. Peut-être demain saurons-nous que nous avons battu, et de l'un comme de l'autre que restera-t-il de bon et d'utile ?

     Il a enfin plu ici, avec un orage effroyable qui a tout brisé. Le paysan laboure et refait ses prairies, piochant toujours, triste ou gai. il est bête, dit-on : non, il est enfant dans la prospérité, homme dans le désastre, plus homme que nous qui nous plaignons ; lui, ne dit rien et, pendant qu'on tue, il sème, réparant toujours d'un côté ce qu'on détruit de l'autre...

 

George Sand - Gustave Flaubert, extrait de "Tu aimes trop la littérature, elle te tuera. Correspondance" , Éditions Le Passeur, 2018.

  

Partager cet article

Repost0
28 décembre 2022 3 28 /12 /décembre /2022 08:00
Gustave Flaubert, vers 1865-1869

 

Flaubert à Sand.

 

... Je ne crois pas (contrairement à vous ) qu'il y ait rien à faire de bon avec le caractère de l'artiste idéal. Ce serait un monstre. L'art n'est pas fait pour peindre les exceptions. Et puis j'éprouve une répulsion invincible à mettre sur le papier quelque chose de mon cœur. Je trouve même qu'un romancier n'a pas le droit d'exprimer son opinion sur quoi que ce soit. Est-ce que le bon Dieu l'a jamais dite, son opinion ? Voilà pourquoi j'ai pas mal de choses qui m'étouffent, que je voudrais cracher et que je ravale. À quoi bon les dire, en effet. Le premier venu est plus intéressant que MGustave Flaubert parce qu'il est plus général, et par conséquent plus typique...

 

Sand à Flaubert.

 

   Ne rien mettre de son cœur dans ce qu'on écrit ? Je ne comprends pas du tout, oh mais, pas du tout. Moi il

 Portrait de George Sand (1804-1876). George Sand est le pseudonyme d'Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, baronne Dudevant, romancière, auteur dramatique, critique littéraire française et journaliste.
George Sand, 1838

me semble qu'on ne peut pas y mettre autre chose. Est-ce qu'on peut séparer son esprit de son cœur, est-ce que c'est quelque chose de différent ? Est-ce que la sensation même  peut se limiter,     est-ce que l'être peut se scinder ? Enfin ne pas se donner tout entier dans son oeuvre, me paraît aussi impossible que de pleurer avec autre chose que ses yeux et de penser avec autre chose que son cerveau. Qu'est-ce que vous avez voulu dire ? vous répondrez quand vous aurez le temps.

 

Flaubert à Sand.

 

   ... Je me suis mal exprimé en vous disant "qu'il ne  fallait pas écrire avec son cœur." J'ai voulu dire : ne pas mettre sa personnalité en scène. Je crois que le grand art est scientifique et impersonnel. Il faut, par un effort d'esprit, se transporter dans les Personnages et non les attirer à soi. Voilà du moins la méthode, ce qui arrive à dire : tâchez d'avoir beaucoup de talent et même de génie si vous pouvez. Quelle vanité  que toutes les Poétiques et toutes les critiques ! Et l'aplomb des messieurs qui en font m'épate. Oh ! rien ne les gêne, ces cocos là ! 

   Avez-vous remarqué, comme il y a dans l'air, quelquefois, des courants d'idée communs ? Ainsi je viens de lire de mon ami Du Camp son nouveau roman : Les Forces perdues. Cela ressemble, par bien des côtés, à celui que je fais ? C'est un livre (le sien) très naïf et qui donne une idée juste des hommes de notre génération, devenus de vrais fossiles pour les jeunes gens d'aujourd'hui...

 

George Sand - Gustave Flaubert, extrait de " Tu aimes trop la littérature, elle te tuera. Correspondance ", Éditions Le Passeur, 2018.

Partager cet article

Repost0
28 juillet 2022 4 28 /07 /juillet /2022 17:47

 

" ... Et si vous trouvez angoissant et douloureux de penser à l'enfance et à la simplicité et au calme qu'elle recèle, parce que vous ne pouvez plus croire en Dieu, qu'on y trouve partout, demandez-vous, cher monsieur, si vous avez vraiment perdu Dieu. Ne serait-ce pas plutôt que vous ne l'avez encore jamais possédé ? À quel moment, en effet, cela aurait-il pu se produire ? Croyez-vous qu'un enfant puisse le porter, lui que les hommes mûrs ne portent qu'avec peine et dont le poids fait plier les vieillards ? Croyez-vous que quiconque le possédait vraiment pourrait le perdre comme on perd un petit caillou et ne croyez-vous pas plutôt que quiconque l'aurait ne pourrait plus qu'être perdu par lui ? Mais si vous reconnaissez qu'il n'était pas dans votre enfance ni auparavant, si vous soupçonnez que le Christ a été dupé par son impatience et Mahomet trompé par son orgueil - et si vous découvrez avec effroi qu'il n'existe toujours pas en ce moment où nous parlons de lui -, où prenez-vous le droit de déplorer son absence comme celle d'un disparu, alors qu'il n'a jamais existé, et de le chercher comme s'il était perdu ?

   Pourquoi ne pensez-vous pas qu'il est Celui qui vient, Celui qui, de toute éternité, est devant nous, l'Être futur, le fruit final d'un arbre dont nous sommes les feuilles ? Qu'est-ce donc qui vous retient de rejeter sa naissance dans les temps à venir et de vivre votre vie comme une belle journée douloureuse dans l'histoire d'une immense grossesse ? Ne voyez-vous pas que tout ce qui se produit est toujours un début ; Pourquoi ne serait-ce pas Son début à lui, alors que tout commencement est si beau ? S'il est le plus parfait, ne faut-il pas que tout ce qui est moindre ait été avant lui, afin qu'il puisse choisir parmi l'abondance et la plénitude ? - Ne faut-il pas qu'il soit le dernier, pour tout contenir en lui-même et quel sens aurions-nous, si l'Être que nous appelons de nos vœux avait déjà existé ?

 

Photo L.V. 2018

 

 Comme les abeilles rassemblent le miel, nous allons chercher en toute chose ce qu'il y a de plus doux et nous le construisons. Nous commençons par les moindres choses, par les choses insignifiantes   ( pourvu que nous le fassions avec amour ) ; nous commençons par le travail et par le repos qui lui succède, nous commençons par un silence ou par une petite joie solitaire ; avec tout ce que nous faisons seuls, sans compagnons et sans adeptes, nous le commençons, lui que nous ne vivrons jamais, pas plus que nos ancêtres n'ont pu le vivre. Et pourtant, ils sont en nous, ces ancêtres depuis longtemps disparus, ils sont dans notre façon d'être, ils sont le poids qui pèse sur notre destinée, ils sont notre sang bouillonnant, ils sont le geste surgi des profondeurs du temps..."

 

Rainer Maria Rilke, extrait de "Lettres à un jeune poète" adressées à Franz Xaver Kappus. Traduction Claude David. Éditions Gallimard, La Pléïade, 1993

Partager cet article

Repost0

  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
  • Contact
">

richard desjardins

Recherche

Isabelle Mayereau


compteur gratuit ">


compteur gratuit
">

romain didier


compteur ">

">


compteur ">

SITES À DÉCOUVRIR  :

 

LE BLOG D'YSABEL

 

NOTRE JARDIN DES LIVRES

LA PARAFE

LYVRES
UNE AUTRE ANNÉE

Créer un blog gratuit sur overblog.com - Contact - CGU -