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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 23:06
Plage De Sable Au Bord De La Mer Côte De Sandy, 26 octobre 2018

 

" Est-ce que vos études et votre engagement vous laissent du temps pour vos loisirs ? On dit qu'ici vous êtes tous des danseurs ?

 

Tais-toi, mon amour. Ou parle-moi de toi. De la mer. J'aimerais que toi et moi nous ne parlions que de la mer.

 

Non, je ne danse pas beaucoup.

 

Que tu dois être belle quand tu danses sous cette robe. J'aimerais te regarder tourner comme une toupie, comme un cerf-volant, comme tout ce qui tourne et nous emporte au loin. J'aimerais te regarder danser, bouger sous ta robe, sur n'importe quelle musique. Tu serais à la fois la musique et la danse. Tu serais le mouvement. Tais-toi, mon amour, et laisse-moi te regarder bouger.

 

Est-ce que ça va ? Si vous le désirez, nous pouvons arrêter.

Non, ça va. J'aimerais juste marcher un peu.

 

Et elle avait rangé son calepin, payé la note, et ils avaient marché dans le hall, vers le soir, et ils avaient regardé le soir ensemble, de la terrasse de l'hôtel. Et c'est à ce moment, alors qu'il a envie de lui prendre la main, d'oser la regarder vraiment, qu'elle fait sa réflexion idiote sur la chance d'avoir le soleil. Non, mon amour, ne dis pas ce genre de bêtise. Et lui qui ne se met jamais en colère (...)- s'était mis à crier qu'il en avait marre du soleil, de cette interview à la con, mais pas de toi, non, pas de toi, si on ne parle pas de tout ça ; et le garçon s'était approché pour demander à l'étrangère si tout se passait bien, et elle avait dit oui, tout se passe bien, et elle avait commandé un rhum pour elle et un scotch pour lui. Ils ont continué à regarder le soir, parlant peu, prenant le temps d'être nulle part, et les choses dont ils ont parlé n'étaient pas de celles qu'une journaliste en mal de scoop pense à noter dans son calepin...

 

Lyonel Trouillot : extrait de "Bicentenaire", Actes-Sud, 2004

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak :

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11 décembre 2017 1 11 /12 /décembre /2017 19:30

" L'étudiant a fini sa cigarette. La foule s'est levée et a repris sa marche. Les uns s'essuient les

genoux par réflexe, d'autres respirent une grande bouffée d'air pour se préparer pour la suite. Plus ils se rapprochent de la zone du Palais national, plus il y a de chances que les choses se gâtent. Le nombre des manifestants ne cesse cependant d'augmenter. Lucien ne voit plus ses amis qui ont pris la tête de la marche. Il regarde maintenant derrière lui pour avoir une idée du nombre. Il n'est pas bon en calcul et ne peut pas les compter. Devant lui, des milliers de dos. Derrière lui, des milliers de visages. Il a oublié, ils ont tous oublié qu'il existe dans ce pays des milliers de personnes, et à l'intérieur de chacune de ces personnes vivent des cris, un tumulte qui se multiplie et donne son rythme à la marche. Mais il y a aussi un monde de silences, et nul n'entend le silence de l'autre. C'est pourtant ça l'idée qui le fait marcher. À chaque dos, à chaque visage, il a envie de dire je veux entrer dans ton silence. Le bruit est la chose la mieux partagée, mais le silence, là où ça se noue à l'intérieur de toi, là où tu saignes du dedans comme un arbre qui ne donne pas à voir le travail du temps, le vide intérieur qui le fait soudain s'écrouler alors que tous le croyaient debout pour l'éternité ! Je veux entrer dans ton silence. À dix heures la foule a tourné dans la grande avenue où le premier barrage de police attendait. Et l'étudiant a pensé que l'on pouvait crier ensemble, mais qu'à la fin des fins  chaque homme meurt avec son silence."

 

Lyonel Trouillot, extrait de " Bicentenaire", Actes Sud, 2004

https://fr.wikipedia.org/wiki/Lyonel_Trouillot

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23 juin 2011 4 23 /06 /juin /2011 17:27

" J'avance caché. C'est pour cela que je n'aime pas les étiquettes : je n'aime pas être perçu, je veux être au milieu de la foule sans que nul ne le sache. C'est ça, mon costume de dandy. je suis comme Brummell qui disait : " si vous m'avez remarqué, c'est que je n'étais pas bien habillé. " Il ne faut pas qu'on me voie. Tout le monde dit : Laferrière, il est léger, il est drôle. Personne ne se méfie. Pendant ce temps, je continue ma chronique. Vingt livres déjà... vous n'aurez pas de grand livre de moi, tout sera moyen, égal. Mon obsession, quand j'écris, c'est qu'on ne puisse pas me citer. Qu'il n'y ait que des annotations, du présent de l'indicatif, pas de réflexions ni de méditations, et surtout pas ces phrases qu'un lecteur a envie de noter quand il les croise dans un ouvrage. A ce titre, L'énigme du retour est une erreur dans mon travail : en vingt-cinq ans, c'est la seule fois où j'ai fait des phrases. J'étais trop bien habillé en quelque sorte ! Alors que la littérature, c'est comme un fer brûlant qu'on fait entrer dans le corps de l'autre - alors il ne faut pas que la personne voie le fer avant, sinon elle s'enfuit. Ne pas faire de littérature, c'est énorme, cela demande beaucoup de travail. En plus , vous ne serez jamais cité comme un grand écrivain. Il n'y a rien de plus facile qu'être un grand écrivain. Faire un livre moyen, être juste un bon écrivain : ça, c'est difficile. "

 

Dany Laferrière, entretien pour Télérama 3204 du 8 juin 2011

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Dany_Laferri%C3%A8re

 

https://bibliobs.nouvelobs.com/paroles-d-haiti/20100121.BIB4760/tout-bouge-autour-de-moi-par-dany-laferriere.html

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6 août 2010 5 06 /08 /août /2010 17:00

" La littérature, la création, l'écriture sont un grand mensonge, mais c'est le plus court chemin qui nous permet d'atteindre la vérité "

 

Frankétienne : extrait d'entretien dans Lire de juillet-aôut 2010, citant un de ses propres textes.

 

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  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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