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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 16:55
Cyrano de Bergerac, dit le Capitaine Satan, d'après une gravure de la Bibliothèque nationale.

 

" Et que faudrait-il faire ?

Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,

Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc

Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,

Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?

Non, merci.

Dédier , comme tous ils le font,

Des vers aux financiers ? se changer en bouffon

Dans l'espoir vil de voir, aux lèvres d'un ministre,

Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?

Non, merci.

Déjeuner, chaque jour, d'un crapaud ?

Avoir un ventre usé par la marche ? une peau

Qui plus vite, à l'endroit des genoux, devient sale ?

Exécuter des tours de souplesse dorsale ?...

Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,

Rêver, rire, passer, être seul, être libre,

Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,

Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,

Pour un oui, pour un non, se battre, - ou faire un vers !

Travailler sans souci de gloire ou de fortune,

A tel voyage, auquel on pense, dans la lune !

N'écrire jamais rien qui de soi ne sortît

Et modeste d'ailleurs, se dire : mon petit,

Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,

Si c'est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !

Puis, s'il advient d'un peu triompher, par hasard,

Ne pas être obligé d'en rien rendre à César,

Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,

Bref, dédaignant d'être le lierre parasite,

Lors même qu'on n'est pas le chêne ou le tilleul

Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !

 

Edmond Rostand : extrait de Cyrano de Bergerac 1897

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14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 17:57

" Les grands metteurs en scène de théâtre, il n'y en a pas tant que ça. C'est inexplicable, c'est une alchimie. Avec Klaus Michael Gruber, c'était une cure d'amaigrissement. Quelque chose d'extraordinaire ; l'art contre la culture. Depuis, j'ai souvent l'impression de faire de la culture et très peu d'art. L'art, c'est monstrueux, indescriptible, c'est méchant, sans concession. Le public ne s'y intéresse pas. Tout le reste, c'est de la culture, de la politique culturelle, de la culture d'entreprise...

  Récemment, un évènement m'a rendu fou, c'est la pétition qui a circulé pour défendre la pièce de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, au Théâtre de la Ville. Notre génération pétitionne, se lamente sans arrêt. On mobilise je ne sais combien de CRS pour quarante catholiques intégristes. Au lieu d'aller nous-mêmes leur mettre une raclée. On n'a même pas besoin d'être courageux, on est six cents, ils sont quarante ! On devrait être contents qu'ils nous attaquent, nom de Dieu ! Au lieu de cela, l'auteur s'excuse presque en disant qu'il est ausssi chrétien. Permettez-moi de citer Brecht : " Faire du théâtre, c'est organiser le scandale. " Et Heine Muller : " Qu'on me donne un ennemi !  On fuit les conflits, on a peur de tout, et en même temps, chacun s'arrange dans son coin. Les CRS défendent le théâtre de gauche, le directeur du théâtre peut faire chaque soir son speech, les pétitionnaires se font leur pub. Tout cela au nom de la gauche, au non d'une sacro-sainte liberté d'expression extraordinairement abstraite ! "

 

André Wilms : extrait d'un entretien pour Télérama du 14/12/2011

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9_Wilms

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Klaus_Michael_Gr%C3%BCber

 

 

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 19:28

 

 

Morceaux choisis de la pièce de Jean-Claude Brisville " Le Souper " :


                   Quand on n'a qu'une parole...                     



TALLEYRAND   ... Si vous vous décidez à m'accompagner chez le roi demain soir, il vous faudra prêter serment... de fidélité

FOUCHE.       Ce ne sera que le huitième                        

Talleyrand (1754-1838)



TALLEYRAND.  Vous, huit, moi, douze.

FOUCHE.       On n'a qu'une parole, il faut donc la reprendre.





      Une France en crue !



 

TALLEYRAND.  ... Vous allez rire, monsieur Fouché, mais cette fois je suis sincère : dans ma jeunesse, j'ai eu une ambition pour la France. je l'aurais voulue exemplaire. On y aurait parlé la plus belle langue du monde et crée librement des chef-d'oeuvre dans tous les arts... Il est bien malheureux que l'Empereur n'ait pas eu cette idée de la France. Lui ne l'aimait que débordant de ses frontières naturelles. En crue, si j'ose dire. J'ai horreur de la démesure - et cette France là, batailleuse, aspirant à toute l'Europe, elle ne me disait rien qui vaille. Et puis, Napoléon, dans ses fureurs, a tué la douceur de vivre. La Restauration va ramener dans ses fourgons les privilèges, elle ne donnera pas du génie aux privilégiés.


                            

                             Règlement de comptes.
                            
                       ( Une tâche de sang sur les Aigles )


FOUCHE. ( froid )Si le roi connaît mon pouvoir, s'il sait qu'il a besoin de moi pour contenir les jacobins qui tiennent eux-mêmes la rue, qu'ai-je besoin d'un avocat ? La cause est entendue d'avance. Il  me suffit de me présenter seul à Saint-Denis. J'y serai reçu tout de suite, et je me ferai un  plaisir de saluer Sa Majesté de votre part.


TALLEYRAND. Elle a, vous le constaterez très vite, une mémoire de jeune homme et un entêtement de mule. Et avec cela rancunière, tatillonne, n'ayant rien oublié ni rien appris, et donnant quelquefois l'impression qu'elle préfère mourir en exil plutôt qu'être obligée de composer avec certaines gens. ( Un temps ) N'oublions pas que chez les rois l'intérêt politique est quelquefois subordonné à ce que l'on appelait jadis... comment l'appelait-on jadis, ce sentiment ? ...Oui, le sens de l'honneur. Pour Louis XVIII, par exemple, un mot dit par étourderie, un matin de janvier de 1793, peut lui demeurer  vingt ans dans l'oreille. ( Un temps. ) Il est vrai que ce mot pesait son poids d'acier et que l'homme qui l'écoutait, au banc des accusés, était son frère.( Un temps. ) Quel que soit le besoin qu'il ait d'un homme, il peut très bien lui refuser à jamais son pardon et lui interdire toujours son antichambre. Absurde, allez-vous dire... Et c'est pourtant ainsi que sont parfois les rois, et c'est compte tenu de ce qu'ils sont que vous ne pouvez négliger le soutien de mon art auprès du souverain.


FOUCHE. ( sarcastique ). Le soutien de votre art !


TALLEYRAND. Oui, pour faire oublier au roi Louis XVII qu'il y a de cela vingt-deux ans, vous avez fait couper en deux morceaux son aîné Louis XVI.


... Avec lenteur, Fouché se lève et les mains derrière le dos fait le tour du salon. Il s'arrête un instant devant le grand portrait poussiéreux et à demi dissimulé d'un jeune homme en costume de chasse, et soufflant sur la poussière il se tourne vers Talleyrand.
...

  FOUCHE. ( aimablement ) Et ce jeune homme. Un portrait de famille ?

Joseph Fouché, (1759-1820)




TALLEYRAND. Le petit-fils du Grand Condé.

FOUCHE. Le duc d'Enghien ? ...


TALLEYRAND. Lui-même.

 FOUCHE.  Donc un Bourbon, cousin du roi. ( Un temps ) Enlevé en pays de Bade - un pays neutre - et par des cavaliers français, sur l'ordre de Bonaparte - jugé sans avocat - condamné sans la moindre preuve. Et exécuté la nuit même dans un fossé du château  de Vincennes.

 TALLEYRAND.  ( gravement ) Une tâche de sang sur les Aigles  

 FOUCHE  A vôtre avis, Vôtre Excellence, à quel véritable motif a obéi Bonaparte dans cette affaire ? 

 TALLEYRAND. La rage. Une rage effrayante à propos des complots royalistes.

 FOUCHE On aurait pu tenter de lui faire entendre raison. 

  TALLEYRAND. Il était enragé. Il n'écoutait personne.

Il revient s'installer dans son fauteuil.

  FOUCHE En êtes-vous certain ? ( Fouché sort de sa poche une lettre qu'il déplie et se rapproche pour la lire à la lueur du candélabre de la table ) La copie de votre lettre à Bonaparte, en date du 8 mars 1804. ( Un temps ) L'original est en lieu sûr dans un de mes placards. ( Un temps ) J'ajouterai que je le tiens de Méneval, ancien secrétaire du Corse, et un de mes meilleurs agents auprès de lui. ( Il s'éclaircit la voix  et se met à lire à voix haute, et lentement. )  " J'ai beaucoup réfléchit à tout ce que vous m'avez fait l'honneur de me dire hier au soir... Voilà qu'une occasion se présente de dissiper toutes ces inquiétudes. La laisserez-vous échapper ? Elle vous est offerte par l'affaire qui doit amener très bientôt devant les tribunaux les auteurs, les acteurs et les complices de cette conspiration récemment découverte. Les hommes de Fructidor s'y retrouvent avec les vendéens qu'ils secondent. Un prince de la maison des Bourbons les dirige. Le but est votre assassinat. Vous êtes dans le droit de la défense personnelle. Si la justice doit punir avec rigueur , elle se doit aussi de punir sans faire le détail. Réfléchissez-y bien. " ( Fouché replie la lettre avec lenteur, la remet dans sa poche et, croisant les bras, regarde fixement Talleyrand ) Vous avez fait saisir le dossier de l'affaire d'Enghien en 1814, et vous l'avez brûlé. Sauf cette lettre enlevée du dossier par Méneval. Elle est donc passée dans le vôtre. Et maintenant nous voici sur le même rang, monseigneur. Le duc d'Otrante a fait guillotiner le frère, on le savait, mais on ignore encore à ce jour que le prince de Bénevent a fait fusiller le cousin.
 


                          Le vice au bras du crime



VOIX OFF. " Je me rendis à Saint-Denis. Introduit dans une des chambres qui précédaient celle du Roi, je ne trouvai personne ; je m'assis dans un coin et j'attendis. Tout-à coup une porte s'ouvre : entre silencieusement le vice appuyé sur le bras du crime. M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouché ; la vision infernale passe lentement devant moi, pénètre dans le cabinet du roi et disparaît. Fouché venait jurer foi et hommage à son seigneur ; le féal régicide, à genoux, mit les mains qui firent tomber la tête de Louis XVI entre les mains du frère du roi martyr ; l'évêque apostat fut caution du serment. "


Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, le 7 juillet 1815, vers onze heures du soir.


 
Extrait de la pièce de Jean-Claude Brisville : " Le souper " Editions Actes Sud- Papiers1989 

                                 

 

 

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16 octobre 2009 5 16 /10 /octobre /2009 16:55
Bernard Giraudeau, acteur, réalisateur et écrivain français, lauréat du prix Amerigo-Vespucci au 18ème Festival international de géographie de Saint-Dié des Vosges en 2007
B. Gireaudeau, 2007, Photo : Ji-Elle

" Je me pose parfois la question de savoir si le théâtre a un sens. C'est imbécile... Quel est le sens d'un sport extrême, une ascension sur la face nord de l'Eiger ? Les réponses les plus absurdes fusent et par les protagonistes eux-mêmes : aller au bout de soi-même. C'est quoi le bout de soi-même, il est où ? Et une fois au bout, vous allez où, vous avez vu quoi ? En revenant, la question est : que reste-t-il à partager, quelle reconnaissance de soi, quels voyages souterrains, essentiels, avez-vous accomplis sur les pentes mortelles de glace et de neige ? Il faut que ça en vaille la peine, et la réponse est que cela en vaut la peine. "



Bernard Giraudeau : extrait de Cher amour Métallié 2009

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10 juillet 2009 5 10 /07 /juillet /2009 17:36

 " ... Sous la dictature communiste, c'était finalement plus simple : il y avait un véritable ennemi à affronter. Aujourd'hui, où on peut dire que les Polonais sont plus libres, sous un régime plus démocratique, l'ennemi, c'est la paresse, se contenter d'être soi...

Krzysztof Warlikowski : entretien dans Télérama n° 3103 du 1er juillet 2009



 

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1 juillet 2008 2 01 /07 /juillet /2008 09:42

Q : _  " A  Aix-en-Provence, pour le choeur de ZaÏde, vous avez sélectionné des jeunes du quartier du Bois-de-l'Aune. Un quartier réputé difficile, où vous répétez. Dans quel but ?

R : _  " Quand je l'ai monté à Vienne, en 2006, c'était avec des SDF, des malades d'une clinique psychiatrique. A New York, c'était avec des sans-papiers. Tous s'exprimaient dans le décor de la production, pendant vingt minutes, avant d'enchaîner sans temps mort sur l'ouverture de l'oeuvre. Car Zaïde parle des gens bafoués, des exploités, des déracinés, des réprouvés du libéralisme. Dans le cadre du très chic festival d'Aix se tiendra un colloque sur l'esclavagisme aujourd'hui, sous toutes ses formes. Voilà qui justifie la présence de ces jeunes Français d'origine arménienne, roumaine, congolaise, gitane, algérienne. Et il y a la jeune choriste Mélanie... Après deux jours , elle a demandé à parler. Elle a fait face à tout le monde. Pour témoigner. Pour la première fois. Les larmes paralysaient ses mots. Puis, dans un souffle à peine audible, elle a raconté : les viols durant son enfance, la prostitution entre la France et la Roumanie. Aux mots mère, puis sexe, elle éclatait en sanglots. Le silence était irrespirable. alors j'ai demandé que nous chantions le chœur pour Mélanie, rien que pour elle. Je n'ai jamais entendu une unisson d'une telle profondeur. C'était le regroupement d'une communauté autour de quelqu'un qui souffre.
La culture n'est pas une distraction. Elle aide à affronter nos gouffres comme nos petites lâchetés. Elle cicatrise le tissu blessé, celui de l'individu comme celui d'une société tout entière. M. Sarkozy devrait s'en préoccuper avant d'amputer sévèrement les budgets concernés. "

Peter Sellars (  entretien dans Télérama )
 

 




 

 

 

 

 

 

 

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27 juin 2008 5 27 /06 /juin /2008 16:59

"Une oeuvre que je ne peux pas recontextualiser ne m'intéresse pas. Dans les années 1980, j'ai refusé de monter, à Glyndebourne, La Clémence de Titus, le dernier opéra de Mozart. Je ne comprenais pas cette histoire de cité brûlée, de roi sauvé de la mort et qui finit par gouverner avec ses assassins. Cette belle utopie m'agaçait. Il a fallu la libération de Nelson Mandela pour m'éclairer. Mandela,  qu'on donnait pour mort, arrive au pouvoir, organise la commission Liberté et Réconciliation pour mettre meurtriers et victimes face à face, et invite ses ennemis d'hier à participer au gouvernement afin que tous se sentent en sécurité parce que responsables de leur avenir. Vous réalisez ? Le dernier message de Mozart est une réponse au terrorisme !

Peter Sellars : extrait d' entretien dans Télérama n° 3050

 

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  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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