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23 juin 2016 4 23 /06 /juin /2016 18:12
Frederic-Pajak

" J'ai porté des bidons de résine synthétique

Un produit dangereux réputé asphyxiant

Qui sert à fabriquer des sols lisses et brillants

Dans les halls des cliniques, les salles de gymnastique

J'étais intérimaire, c'est-à-dire moins que rien

Celui que le patron peut toujours congédier

Sans que jamais ne bronche aucun des ouvriers

J'essuyais le mépris de ces frères humains

 

Au temps de ma jeunesse, j'étais un misérable

Me tuant à sécher le ventre des citernes

Avec de la sciure mélangée à du sable

Avant de tout repeindre d'une couleur si terne

Comme chauffeur-livreur, j'ai travaillé six mois

C'était une boucherie qui faisait abattoir

On entendait les bêtes, leurs cris et leur effroi

On sentait leurs carcasses pourrir au dépotoir

 

J'ai été couchettiste dans les wagons de nuit

Nous partions de Genève, nous allions jusqu'à Rome

Dans mon compartiment je caressais l'ennui

Pourtant j'étais parfois le plus heureux des hommes

Parmi les couchettistes nous étions quelques-uns

A louer une Vespa pour aller à la mer

Vers neuf heures du matin nous commencions à jeun

A boire de la bière et des liqueurs amères

Et puis nous repartions à la tombée du soir

Titubant jusqu'au train, au bras d'une Romaine

Elle nous offrait enfin un baiser sans histoire

Nous en gardions le goût au moins pour la semaine

 

De ces petits boulots, j'en ai fait des dizaines

Grouillot d'imprimerie, manœuvre de chantier

J'ai haï le travail et le monde ouvrier

Les ordres répétés, les hurlements obscènes

Et j'ai haï ma vie et tout ce temps perdu

Les journées fatigantes et les nuits provisoires

ces heures désolantes, ces gestes dérisoires

Tous ces mots étouffés et ces malentendus

 

Je me revois aussi dans le Quartier latin

Crevant de solitude et recherchant quelqu'un

Un regard, une voix, dans le petit matin

Des mots de rien, de peu, même des lieux communs

Je voulais qu'on me parle de la pluie, du beau temps

Et des banalités qu'on se dit au comptoir

Devant un verre de vin pour faire durer l'instant

Ou bien les yeux mouillés sur le bord du trottoir "

 

Frédéric Pajak : poème extrait du " Manifeste incertain T3 " Editions Noir Sur Blanc 2014

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  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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