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1 février 2009 7 01 /02 /février /2009 19:03

Vincent Rémy ( Télérama ) :  Quel bilan tirez-vous de l'offensive israélienne sur Gaza ?


Shlomo Sand : " Le timing électoral était parfait ! Avant les élections israéliennes et en prenant soin de retirer les chars à la veille de l'investiture d' Obama, Ehud Barak a planifié ce blitz, un déluge de bombes qui ne mettait pas en danger la vie des soldats israéliens. Nous avons semé la désolation, tué 1 300 Palestiniens, en avons blessé plus de 5 000, les deux tiers sont des femmes et des enfants, presque tous victimes de notre aviation. Le Hamas est-il éliminé ? Avons-nous renforcé le camp de la paix chez les Palestiniens ?...

V.R : La gauche, et même des écrivains comme Amos Oz ou Avraham B. Yehoshua, ont approuvé ces bombardements...

Sh.S : C'est une habitude chez nous. Au début de chaque guerre, depuis 1973, Israël reçoit le soutien des intellectuels de la gauche sioniste. Il faut attendre quelques semaines pour qu'ils changent d'avis. Une personne nous manque beaucoup aujourd'hui, le professeur Yeshayahou Leibowitz, grand philosophe mort en 1994 qui s'est toujours battu contre les guerres non défensives d'Israël, et qui laisse un grand vide moral.

V.R : Parce que cette guerre était pour vous non défensive ? Des roquettes tombaient sur les villes israéliennes...

Sh.S :  Bien sûr, il n'est pas normal que des roquettes tombent sur Israël. Mais est-il plus normal qu'Israël n'ait toujours pas décidé quelles étaient ses frontières ? Cet Etat qui ne supporte pas les roquettes est aussi un Etat qui ne veut pas renoncer aux territoires conquis en 1967. Il a refusé l'offre de la Ligue arabe en 2002 d'une pleine reconnaissance d'Israël dans les frontières d'avant 1967.

V.R : Mais le Hamas, lui, ne reconnaît pas Israël.  

Yeshayahou Leibowitz

                      
Sh.S : Le Hamas, ce mouvement bête, pas diplomate, avait proposé une oudna, une trêve de longue durée à Gaza et en Cisjordanie. Israël a refusé parce qu'elle veut continuer de tuer des militants du Hamas en Cisjordanie, soit une quinzaine en octobre-novembre après des mois de calme. Israël a donc eu sa part de responsabilité dans la reprise des tirs de roquettes. Au lieu de renforcer le courant modéré du Hamas, Israël pousse les Palestiniens au désespoir. Nous avons ghettoïsé une population entière et refusons de lui accorder sa souveraineté depuis quarante-deux ans. Comme je suis indulgent envers Israël, je dirai seulement depuis vingt ans, 1988, date à laquelle Arafat et l'Autorité palestinienne ont reconnu l'Etat d'Israël, sans rien avoir gagné en échange. Qu'on comprenne bien : je n'accepte pas les positions du Hamas et surtout pas son idéologie religieuse, parce que je suis un homme laïc, démocrate, et assez modéré. Comme Israëlien et comme être humain, je n'aime pas les roquettes. Mais comme Israëlien et historien, je n'oublie pas que ceux qui les lancent sont les enfants et petits-enfants de ceux qui ont été chassé de Jaffa et d'Ashkelon en 1948. Ce peuple de réfugiés, moi, Shlomo Sand, je vis sur la terre qui était la sienne. je ne dis pas que je peux leur rendre cette terre. Mais que chaque offre de paix doit partir de ce constat. Quiconque oublie cela n'arrivera jamais à offrir aux Palestiniens une paix juste.

V.R : Mais, disent les partisans de ces bombardements, Israël s'est retiré de Gaza, et les roquettes ont redoublé.                                                                     

SH.S : C'est absurde ! Imaginez que les Allemands, comme ils l'ont fait en 1940, occupent aujourd'hui le nord de la France et pas le Sud. Vous diriez qu'ils respectent le droit à l'autodétermination des Français ? Sharon s'est retiré unilatéralement de Gaza pour ne pas faire la paix avec Arafat, et ne pas renoncer à la Cisjordanie. Mais les Palestiniens n'ont pas demandé une réserve d'Indiens à Gaza ! Ils demandent un Etat palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza...

V.R : Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, dit pourtant qu'Israël ne doit pas courir au suicide au nom des bons sentiments.

Sh.S : Mais de quoi parle-t-on ? Qu'est-ce-qui menace notre existence ? Nous avons le meilleur armement et le soutien de la première puissance mondiale. Le monde arabe nous propose une paix globale sur les frontières de 1967. La dernière guerre qui a menacé l'existence d'Israël remonte à trente-cinq ans ! Est-ce qu'il ne comprend pas ça, ce grand rabbin ?
 

V.R : Il n'est pas le seul. André Gluckmann, à propos des bombardements israéliens, écrit qu'il n'est pas disproportionné de vouloir survivre .

Sh.S : Vous me parlez d'un homme qui a admiré Mao ! Ces mecs de 1968, qui ont soutenu toutes les horreurs chinoises, jamais ils n'ont fait une autocritique, jamais ils n'ont essayé de comprendre pourquoi  ils s'étaient identifiés au totalitarisme. Aujourd'hui, André Glucksmann, comme Bernard-Henri Lévy, sont toujours du côté de la force, à Jérusalem cette fois. Ils n'ont pas changé

V.R. : Mais Bernard-henri Lévy rappelle que Tsahal téléphonait aux habitants pour leur dire de fuir les bombardements, qu'Israël a tout fait pour éviter les victimes civiles...

Sh.S : Ah, Israël a téléphoné, Israël a pris des précautions ? Mais où pouvaient-elles aller, les familles palestiniennes ? C'est vrai, Israël a pris beaucoup de précautions. Mais pour ses troupes ! Ces morts-là nous préoccupent beaucoup car nous sommes devenus une société individualiste et hédoniste, et nos dirigeants sont très soucieux de leur réélection.

V.R : BHL rappelle aussi que le Hamas a utilisé la stratégie des boucliers humains...

Sh.S : Quelle hypocrisie ! A-t-il oublié Mao : un mouvement de résistance doit se couler dans la population comme un poisson dans l'eau ? Le Hamas n'est pas une armée, c'est un mouvement de résistance terroriste qui agit comme tous ceux qui l'ont précédé, Viet-cong ou FLN. C'est justement parce que nos dirigeants savaient cela qu'ils avaient le devoir de privilégier la diplomatie, pour ne pas commettre ce massacre de civils. Nous avons fait la preuve que nous n'avons aucune retenue morale, pas plus que la France en 1957 en Algérie qui a détruit des villages entiers. Maintenant, ce qui me choque plus que jamais, c'est que cet Etat que j'ai servi comme soldat durant deux guerres, et qui se définit depuis sa Déclaration d'indépendance en 1948 comme l'Etat de tous les juifs, appartienne davantage à Bernard-Henri Lévy qu'à mes amis universitaires qui vivent ici, payent leurs impôts ici, mais sont d'origine arabe. Qu'est-ce que ça veut dire être sioniste quand on vit en France, qu'on ne veut pas vivre sous l'autorité juive, et qu'on s'identifie au pire de la politique des dirigeants d'Israêl ? Ca veut dire contribuer à la montée de l'antisémitisme.


Extraits d'une interview de Shlomo Sand dans Télérama 3081, 28 01 2009
 

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