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13 février 2009 5 13 /02 /février /2009 19:50

" Claude Malhuret était devenu ministre d'un gouvernement Chirac. Il y était préposé à la défense des droits de l'homme. Privé d'administration et de budget, lié par la solidarité gouvernementale à  un Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, qui entendait terroriser les terroristes et renvoyer les immigrés par charter, la tâche de Malhuret n'était pas facile. Enfermé dans un bureau de belles dimensions, agréable quoiqu'un peu humide, il était coupé de la réalité par un directeur de cabinet qui veillait sur lui jalousement et contrôlait toutes ses communications avec le monde extérieur...

 J'étais pour la première fois de ma vie, mais hélas pas la dernière, dans une situation de quasi-chômage...Îl m'offrit un poste à son cabinet...
 Mon rôle dans l'équipe n'était pas clairement défini. Je compris vite qu'il tenait en ma seule présence. Par ma familiarité avec le ministre, je brisais le blocus que son directeur de cabinet avait installé. J'entrais et sortais librement de son bureau ; je recrutais pour lui des collaborateurs indépendants qui formèrent bientôt un cabinet bis. Malgré la haine et le mépris qu'un groupuscule d'énarques dirigea contre nous, nous parvînmes à survivre et même à monter quelques opérations couronnées de succès...
 Ce fut pour moi une époque passionnante, pendant laquelle je pris contact pour la première fois
, fût-ce de façon subalterne, avec l'univers du pouvoir, les hautes sphères de l'Etat, les circuits de la décision publique. J'y glanai une nouvelle série de décors et de portraits qui me seraient très utiles dans ma vie future de romancier.
 C'était une période excitante intellectuellement mais beaucoup plus calme au quotidien que je ne l'avais supposé. Du fait de sa position modeste dans le gouvernement et de son absence de responsabilités, le secrétaire d'Etat dont j'étais le conseiller passait le plus clair de son temps à ne rien faire. Il était surtout occupé, et moi avec, à se demander à quoi il pourrait bien consacrer son énergie. Je me souviens ainsi d'un long printemps pendant lequel nous regardions fleurir, dans la cour de l'annexe de Matignon où nous étions installés, un cerisier du Japon qui faisait éclore d'énormes pompons roses. Les pieds posés sur le rebord de la fenêtre, un verre à la main, nous contemplions les belles fleurs et les écoutions pousser. On se serait volontiers cru dans un roman de Faulkner, au coeur du grand sud américain, plutôt que dans les parages trépidants du pouvoir, rue de Varenne, à Paris...

Jean-christophe Rufin : " Un léopard sur le garrot " Gallimard 2008


 

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