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23 octobre 2022 7 23 /10 /octobre /2022 10:32
 WEB Du Bois par James E. Purdy, 1907, tirage gélatino-argentique, de la National Portrait Gallery qui a explicitement publié cette image numérique sous la licence CC0. ( https://npg.si.edu/object/npg_NPG.80.25 ) Tirage gélatino-argentique.
WEB Du Bois par James E. Purdy, 1907

 

 

 Le projet de l'Europe n'était pas une invention soudaine, mais un moyen de sortir des difficultés depuis longtemps accablantes. Il est évident pour la civilisation blanche moderne que l'assujettissement des classes ouvrières blanches ne peut plus être maintenu bien longtemps. L'éducation, le pouvoir politique et la connaissance accrue de la technique et du sens du processus industriel sont, dans un avenir proche, voués à entraîner une répartition de plus en plus équitable des richesses. Le jour des très riches touche à sa fin, du moins en ce qui concerne chacune des nations blanches. Mais il y a une faille. Il existe une occasion d'exploitation énorme en vue d'un profit démesuré., non seulement pour les très riches, mais aussi pour la classe moyenne et pour les ouvriers. Cette occasion se trouve dans l'exploitation des peuples de couleur. Voilà la direction qu'indique la main d'or. Là, pas de syndicat d'ouvriers, ni de votes, ni de curieux qui posent des questions, ni de consciences importunes. Ces hommes peuvent être exploités jusqu'à l'os ; puis, fusillés et mutilés lors d'expéditions "punitives" quand ils se révoltent. Sur ces sombres territoires, le "développement industriel" peut répéter, sous une forme outrancière, toutes les horreurs de l'histoire industrielle de l'Europe, depuis l'esclavage et le pillage jusqu'à la maladie et la mutilation, selon un unique critère de réussite : les dividendes !

 

W.E.B.Du Bois, extrait de "Les âmes du peuple blanc", 1920. Lu dans lea revue Actes de la recherche en sciences sociales, n°242, juin 2022.

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1 mai 2022 7 01 /05 /mai /2022 18:19
François Xavier Fauvelle, 2017

Une des particularités de cette contestation (qu'exprimaient les manifestations planétaires qui ont suivi la mort de Georges Floyd), c'est qu'à la différence d'autres mouvements de ce type elle s'est emparée de questions de mémoire. Notamment en ciblant des statues, déboulonnées, taguées, ou critiquées pour ce qu'elles représentent. Or contrairement à ce que certains ont affirmé, notamment le président Macron, il ne s'agit pas là de "séparatisme". Quand on se bat pour dénoncer la mémoire parcellaire mise en scène dans l'espace public, c'est bien qu'on aspire à y avoir une place. Or les statues soulèvent la question de la mémoire partagée. Les Français ne méritent-ils pas que des statues célèbrent les esclaves de Saint-Domingue qui se sont révoltés et ont fini, en 1804, par déclarer leur indépendance ? La République devrait s'honorer de cet évènement, qui est enclenché par la Révolution française. Les esclaves de Saint-Domingue, à l'époque la plus vaste colonie du monde avec ses 800 000 esclaves, dont une moitié née en Afrique, sont les premiers à saisir la radicalité de la Déclaration universelle des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et se l'appliquent à eux-mêmes, obligeant la Convention à abolir l'esclavage en 1794. Mais la France d'aujourd'hui reste frileuse, continuant à célébrer Colbert - le rédacteur du Code noir-, ou même la conquête coloniale. Une statue de Bugeaud ( maréchal français qui a mené la conquête de l'Algérie dans les années 1830 ), comme il en existe en plusieurs endroits en France, rend hommage à un homme qui a pratiqué la terre brûlée et ce qu'on appelait les "enfumades", au cours desquelles on asphyxiait délibérément les civils réfugiés dans les grottes. Bugeaud appelait ouvertement à la soumission des Algériens ou à leur extermination.

 

   Histoire et mémoire sont deux choses différentes : l'histoire, c'est ce qui s'est passé, la mémoire concerne le présent. Quand on fait un travail d'historien, on est sous une souveraineté, qui est celle des faits. La mémoire se trouve sous une autre souveraineté, qui est celle de ce qui est bon pour nous aujourd'hui. Confondre les deux, c'est opter pour une position conservatrice consistant à penser que le passé nous oblige à ne rien changer à la façon dont on en parle aujourd'hui. Or ce rapport entre histoire et mémoire, tout le monde l'expérimente. Une famille a toujours une histoire multiple, faite d'ancêtres glorieux ou proscrits, de mariages et de divorces, de personnes qui entrent ou sortent de la famille. La mémoire, c'est l'album photo sur la table dun salon, ou les photos collées sur le frigo : c'est une mise en scène actuelle et actualisée en fonction de ce qui procure un sentiment partagé d'appartenance. Dans la mémoire d'une famille, on peut passer sous silence certaines choses. C'est ce qui arrive avec l'esclavage dans la mémoire nationale française. Cela se corrige en fonction de ce qu'on veut arrêter de cacher. Ce n'est pas de l'épuration, c'est de la mise à jour..."

 

François-Xavier Fauvelle : extrait d'un entretien pour le magazine XXI n°52, automne 2020.

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30 décembre 2021 4 30 /12 /décembre /2021 23:01
Ta-Nehisi Coates, 2015

 

" ... le système esclavagiste avait pour but premier l'argent. Et pour engendrer ces fortunes immenses, la méthode était la destruction des familles afro-américaines. Vous voyez, c'est comme les abattoirs, le but premier est de produire des steaks et des hamburgers, la méthode est d'abattre des vaches. Le marché des esclaves était indispensable au bon fonctionnement de l'esclavage. Et personne dans le système esclavagiste ne voyait de problème à détruire ces familles... Au cours de mes recherches à Monticello, j'ai découvert que Thomas Jefferson, le père de la nation, est mort criblé de dettes. Et savez-vous comment sa famille a comblé ses dettes ? Ils ont convoqué l'ensemble des esclaves de leurs plantations, ils les ont alignés sur le gazon, et les ont vendus comme du bétail, les mères, les grands-mères, les enfants... Peut-être ont-ils dit qu'ils ont fait du mieux qu'ils ont pu pour ne pas séparer les familles, mais qu'est-ce qu'on s'en fiche ? Qu'ils disent ça aux mères qui ont été séparées des enfants. La séparation des familles était la méthode centrale de l'ensemble....

   Dans les treize états fondateurs, il n'y eut jamais un endroit où l'esclavage a toujours été illégal, avant la révolution américaine. Et même si vous prenez les plus grandes universités du pays, Harvard, Columbia, Brown, chacune de ces institutions, à des niveaux différents, a été fondée sur le dos d'esclaves. C'est-à-dire grâce à l'argent de l'esclavage. Prenez Brown, par exemple, les frères Brown, qui ont donné  leur nom à l'université, étaient marchands d'esclaves, c'est de là qu'ils ont construit leur fortune. L'école de droit d'Harvard, a été fondée par Isaac Royall, propriétaire de milliers d'esclaves... Et même dans le Nord, à New York, à Philadelphie, lorsque l'esclavage n'était plus légal, beaucoup de fortunes se sont faites grâce à des plantations et donc à des esclaves, dans les Antilles. C'est donc devenu très clair que l'esclavage n'était pas un crime seulement du Sud des États-Unis...

    J'ai toujours l'espoir du changement... Mais je ne dirais pas que je suis optimiste. Nous avons eu notre premier président noir. Il a nommé trois membres de la Cour Suprême, postes qu'ils occuperont à vie, et après la dernière élection, cette même Cour a permis des lois qui restreignent l'accès d'un certain nombre de personnes pour voter, d'autres qui restreignent l'accès aux universités, et enfin qui remettent en cause le droit à l'avortement. Tout l'été en Californie, la forêt a brûlé, et un ouragan vient de tuer des dizaines de personnes à New York, Philadelphie... Nous savons que ces feux et ces ouragans sont des conséquences d'actions humaines, et que personne au Congrès n'agit contre cela. Ce sont les faits. L'œuvre de cette démocratie.  À l'étranger, nous venons d'abandonner l'Afghanistan, les femmes et les filles afghanes à la folie des islamistes. Et je ne vois pas comment un citoyen responsable, intelligent, observant cette guerre que notre pays a menée pendant vingt ans pour l'achever ainsi, pourrait dire aujourd'hui qu'il est optimiste. Croyez bien que si ce pays était mon enfant, je ne pourrais pas être confiant en son avenir. Certaines personnes vivent dans l'illusion, mais en tant qu'écrivain, je ne peux pas me le permettre."

 

Ta-Nehisi Coates : extrait d'un  entretien pour le magazine Transfuges, n°151, Octobre 2021.

 

 

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