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22 février 2024 4 22 /02 /février /2024 07:52

 

"Balzac a découvert dans la grande ville une mine de mystère, et le sens qui, chez lui, est en éveil, c'est la curiosité. C'est sa Muse. Il n'est jamais ni comique ni tragique. Il est curieux. Il s'engage dans un enchevêtrement de choses avec l'air de quelqu'un qui flaire et promet un mystère, et qui vous démonte toute la machine pièce par pièce avec un plaisir âpre, vif et triomphal. Regarder comment il s'approche de ses nouveaux personnages : il les toise de toutes parts comme des raretés, les décrit, les sculpte, les définit, les commente, en fait transparaître toute la singularité et promet des merveilles. Ses jugements, ses observations, ses tirades, ses mots ne sont pas des vérités psychologiques, mais des soupçons et des trucs de juge d'instruction, des coups de poing sur ce mystère que, bon Dieu, on doit éclaircir. À cause de cela, quand la recherche, la chasse au mystère se calme et que- au début du livre ou au cours de celui-ci (jamais à la fin, parce que, arrivés à ce point, avec le mystère, tout est dévoilé) - Balzac disserte de son ensemble mystérieux avec un enthousiasme sociologique, psychologique et lyrique, il est admirable. Voir le début de Ferragus ou le début de la seconde partie de Splendeurs et Misères des courtisanes. Il est sublime. C'est Baudelaire qui s'annonce." (2 octobre 1936)

 

 

Cesare Pavese : "Le métier de vivre" 1958, 2008 pour la traduction française.

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak : 

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17 février 2024 6 17 /02 /février /2024 07:05

" Ces derniers temps en France, on parle très mal du style. On confond le style avec le bien-écrire. Or le bien-écrire, c'est le normalisé, la langue canonique. le style, c'est trouver une musique personnelle telle que le lecteur  la reconnaît immédiatement. la voix de Céline, ce n'est pas seulement les points de suspension, c'est le triturage de l'argot, l'invention des néologismes. le style de Gide, c'est le chant d'une pureté à la limite de la préciosité - J'appelle ça du remue-ménage de hanches. Dostoïevski, lui, a une voix populaire, petit-russien, très proche du langage parlé et de ce fait proche du genre feuilletonesque. Il a besoin de se mettre dans des situations d'urgence pour écrire, d'où le style catastrophique, haletant de celui qui écrit contre la mort. Il appartient à la catégorie des écrivains de la parole. À l'instar d'un Céline et de son désespoir absolu ou d'un Bernanos et de sa mystique. Il n'y a pas d'écrivains de la paroles qui soient neutres. Vous n'imaginez pas Guy de Maupassant autrement qu'écrivant quelque chose de joli, qui soit bien mené, avec une conception esthétique mais sans métaphysique. Chez Dostoïevski comme chez Tolstoï ou comme chez Tchékhov, si vous enlevez la métaphysique il reste peu de chose...

 

 

 Balzac est convaincu qu'il écrit pour l'Église et la monarchie, or il démolit toute la société de son temps. le roman - et ça Kundera le dit très bien  - doit apporter une connaissance nouvelle. L'art du roman est révélation. C'est la langue qui vous guide, vous êtes écrit avant d'écrire. Il ne s'agit pas là d'une croyance mystique, on en a la preuve. Kundera fait dater la révolution du roman moderne avec Cervantès. Et qu'est-ce que le Quichotte  sinon un livre sur la langue ? Au départ il dit qu'il va faire une parodie du roman de chevalerie. Puis, à partir de la cinquantième page, il se trouve que Don Quichotte commence à parler tellement bien, à être tellement beau qu'il est peut-être un peu moins fou qu'on ne le pense... La rencontre de la critique d'un genre et du réalisme à travers Sancho Pança va créer toute la modernité. C'est presque mathématique...

    Ce n'est pas la forme qui fait la modernité, c'est le ton, la vision. La modernité de nos jours, par exemple, n'est certainement pas Robbe-Grillet. On rigolera un jour, ça paraîtra vieillot et on se demandera comment la critique a pu prendre ça au sérieux, ces histoires de bonnes femmes enchaînées. Contrairement à ce que l'on imagine, l'idée de la modernité n'est pas liée au tricotage de la prose. Fond et forme sont inséparables, écrire plat, c'est écrire faux. Il en est de même en politique. La première chose que fait un régime totalitaire, c'est changer le sens des mots. Imaginez que Hitler ait employé l'expression officielle "extermination des juifs", ça ne marche pas. mais "solution finale" (Entlösung), oui. On comprend sans comprendre. Dire que l'on va supprimer deux millions de Russes, non, mais dire qu'il y a "des classes sociales condamnées par l'histoire", ça c'est génial. Les mots, salvateurs, peuvent devenir mortifères. De même le jargon technocratique peut devenir très dangereux. Amollir la langue, c'est amollir le corps social...

 

Michel Del Castillo : extrait d'un entretien avec Marianne Payot, Magazine Lire n°239,octobre 1995,  recueil "Les grands entretiens de Lire", par Pierre Assouline, Éditions Omnibus, 2000. 

 

Du même auteur, dans Le Lecturamak :

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  • : Le Lecturamak
  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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