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24 août 2023 4 24 /08 /août /2023 06:00

 

PRÉFACE.

 

La poésie contemporaine ne chante plus... elle rampe

Elle a cependant le privilège de la distinction... elle ne fréquente pas les mots mal famés... elle les ignore

On ne prend les mots qu'avec des gants : à "menstruel" on préfère "périodique", et l'on va répétant qu'il est des termes médicaux qu'il ne faut pas sortir des laboratoires et du codex

Le snobisme scolaire qui consiste, en poésie, à n'employer que certains mots déterminés, à la priver de certains autres, qu'ils soient techniques, médicaux, populaires ou argotiques, me fait penser au prestige du rince-doigts et du baisemain

Ce n'est pas le rince-doigts qui fait les mains propres ni le baisemain qui fait la tendresse

Ce n'est pas le mot qui fait la poésie mais la poésie qui illustre le mot

Les écrivains qui ont recours à leurs doigts pour savoir s'ils ont leur compte de pieds, ne sont pas des poètes, ce sont des dactylographes

Le poète d'aujourd'hui doit appartenir à une caste

à un parti

ou au "Tout Paris"

Le poète qui ne se soumet pas est un homme mutilé

La poésie est une clameur. Elle doit être entendue comme la

musique. Toute poésie destinée à n'être que lue et enfermée dans sa typographie n'est pas finie. Elle ne prend son sexe qu'avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l'archet qui le touche

L'embrigadement est un signe des temps. De notre temps

Les hommes qui pensent en rond ont les idées courbes

Les sociétés littéraires c'est encore la Société

La pensée mise en commun est une pensée commune

 

Mozart est mort seul, accompagné à la fosse commune par un chien et des fantômes

Renoir avait les doigts crochus de rhumatismes

Ravel avait dans la tête une tumeur qui lui suça d'un coup toute sa musique

Beethoven était sourd

Il fallut quêter pour enterrer Bela Bartok

Rutebeuf avait faim

Villon volait pour manger

Tout le monde s'en fout

L'Art n'est pas un bureau d'anthropométrie

La lumière ne se fait que sur les tombes

Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique

La musique se vend comme le savon à barbe

Pour que le désespoir même se vende il ne reste qu'à en trouver la formule

Tout est prêt : les capitaux

La publicité

 La clientèle 

Qui donc inventera le désespoir ? 

 

Avec nos avions qui dament le pion au soleil. Avec nos magnétophones qui se souviennent de "ces voix qui se sont tues", avec nos âmes en rade, au milieu des rues, nous sommes au bord du vide,

ficelés dans nos paquets de viande à regarder passer les révolutions

N'oubliez jamais que ce qu'il y a d'encombrant dans la Morale, c'est que c'est toujours la Morale des Autres

Les plus beaux chants sont les chants de revendication

Le vers doit faire l'amour dans la tête des populations. À l'école de la poésie et de la musique, on n'apprend pas. ON SE BAT !

 

Léo Ferré, extrait de "Testament Phonographe", Éditions Plasma, et Gufo del Tramento, 1980

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  • : "Nous serions pires que ce que nous sommes sans les bons livres que nous avons lus ; nous serions plus conformistes, moins inquiets, moins insoumis, et l'esprit critique, moteur du progrès, n'existerait même pas. Tout comme écrire, lire c'est protester contre les insuffisances de la vie." Mario Vargas Llosa. Discours du Prix Nobel" Je pense que nous n'avons pas de meilleure aide que les livres pour comprendre la vie. Les bons livres, en particulier. C'est la raison pour laquelle je lis : pour comprendre de quelle façon je dois vivre, et découvrir qui sont les autres, dans le secret d'eux-mêmes " Benjamin Markovits : extrait d'entretien pour Transfuges n° 31 juin-juillet 2009
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